
La coopération prédomine dans la Nature
Quel regard posons-nous sur la Nature ? Est-elle un univers où compétition et prédation font impitoyablement la loi, une loi par laquelle passe nécessairement l’évolution ? Pouvons-nous mettre à distance les adages tels que « la loi du plus fort » ou « la loi de la jungle » qui se sont imposés dans notre vision du monde ?
Une abondance de recherches récentes nous offre une image bien plus engageante de la Nature. Une formidable force d’entraide est en fait à l’œuvre dans tout le vivant et stimule sa créativité débordante. Et c’est pour moi un véritable baume au cœur de savoir que la coopération prédomine dans la Nature, tant les exemples foisonnent dans toutes les strates du vivant.
La symbiose, une forme remarquable de coopération
En biologie, la symbiose c’est le « vivre ensemble » d’organismes d’espèces différentes.
Le mutualisme est une forme de symbiose où le « vivre ensemble » s’exprime dans une « association durable et réciproquement profitable entre deux organismes vivants »
Le lichen, qui ne compte pas moins de 20 000 espèces, est une alliance réussie entre une algue et un champignon depuis environ 250 millions d’années. Le champignon fournit eau et protection alors que sa partenaire produit les nutriments. Cette association a donné un organisme à part entière qui n’est pas une plante comme nous aurions pu le croire !

Mutualisme végétal
Dans le monde végétal, il existe une symbiose quasi généralisée puisque 80 % des végétaux s’associent au niveau racinaire avec un champignon appelé mycorhize. En ce qui concerne les arbres, il s’agit d’ectomycorhizes qui développent leurs filaments appelés hyphes autour de leurs racines. Ils jouent un rôle majeur dans la nutrition et la protection contre maladies et parasites des arbres. Un champignon réputé, la truffe, est le fruit d’ectomychorhizes de certains arbres comme certains chênes, des noisetiers…
Pour les autres plantes, ce sont des endomycorhizes – les hyphes pénètrent dans ce cas à l’intérieur des racines, avec l’assentiment des plantes – qui vont considérablement améliorer leur nutrition. Les hyphes des champignons réalisent une exploration minutieuse du sol sur une grande distance afin de trouver les nutriments nécessaires aux plantes. Grâce aux mycorhizes, les plantes ont une alimentation subtile en oligo-éléments, gage d’une meilleure qualité. Les hyphes ont aussi la capacité d’aller chercher l’eau dans des micro-agrégats du sol où les racines des plantes ne peuvent accéder, d’où une plus grande résistance à la sècheresse. Les mycorhizes protègent les plantes d’un grand nombre de parasites telluriques (de nombreux champignons pathogènes, des bactéries, des nématodes). En échange de tout cela, les plantes fournissent le carbone dont ont besoin les mycorhizes. Je trouve cela absolument génial !
Un exemple très connu de collaboration entre les espèces est la pollinisation. Les papillons, les abeilles ainsi que les colibris se nourrissent du nectar des fleurs. En s’envolant, ils emportent du pollen qu’ils vont disséminer sur les plantes environnantes. Ces pollinisateurs jouent un rôle indispensable à la reproduction de nombreuses espèces de plantes.

Dans les plantes cultivées, de nombreux exemples d’association existent comme entre les graminées et les légumineuses. Utiliser les caractéristiques de chaque plante de manière complémentaire avec les autres plantes cultivées nous a été enseigné par les Kogis notamment.
Mutualisme animal
Le mutualisme est également très présent dans l’univers animal. De très nombreux animaux et organismes vivent en symbiose.
Le crocodile a noué une complicité avec un oiseau, le pluvian d’Egypte. Sans crainte, celui-ci s’aventure dans la gueule ouverte du crocodile pour se nourrir des sangsues coincées entre ses dents, le débarrassant de ces parasites.
Des poissons nettoyeurs accompagnent certains poissons ou des cétacés. Ainsi, le rémora se fixe à l’aide d’une ventouse sur les requins ou les baleine et les déparasitent. Le labre nettoyeur se nourrit des parasites présents dans la gueule et les branchies de grands à très grands poissons. Ceux-ci le laissent entrer et sortir pour leur nettoyer les dents, sans aucun risque pour lui. Les poissons nettoyeurs, représentés par 45 espèces, se révèlent vitaux pour l’écosystème. Si on les élimine des récifs coralliens, très vite les infections parasitaires augmentent.
Dans la savane, la mangouste et le phacochère font bon ménage. La mangouste, insectivore, se nourrit des parasites et insectes accrochés sur le phacochère. Celui-ci se laisse faire car cela lui évite le développement d’infections. Le pique-bœuf est grand amateur des tiques et larves d’insectes incrustées sur le dos du buffle ; il va même jusqu’à retirer le cérumen de ses oreilles améliorant son audition.
La coopération gage de pérennité
L’instinct de survie incite sans cesse à la coopération entre individus d’une même espèce.
Les manchots doivent affronter des températures avoisinant les -40°C en Antarctique. Ils doivent leur salut à une coopération efficace : ils se serrent les uns contre les autres faisant bloc. Au centre du groupe, ils bénéficient d’une chaleur collective réconfortante d’environ 30°C. Ils instaurent une rotation à chacun de venir à tour de rôle se réchauffer avant de retourner à l’extérieur du cercle.
En Tanzanie, au cœur de la savane, Monica Bond, biologiste de l’université de Zurich, a observé un échantillon de 512 girafes femelles. Elle a constaté que « les femelles forment des communautés de 60 à 90 individus, qu’elles fréquentent alternativement en cercles restreints de quelques girafes ». (1) Elles sont ainsi à même de mieux protéger leurs petits et repousser les prédateurs ou les mâles trop pressants. Grâce à cette sociabilité et l’apaisement généré par le groupe, ces girafes femelles vivent plus longtemps.
Afin de se préserver de l’attaque de prédateurs tel le guépard, les gnous forment un troupeau resserré autour de leurs petits. En effet, la tactique du guépard est de se précipiter sur un individu isolé et plus faible.
La coopération opportuniste
Dans le vivant, des alliances de circonstance se créent pour notamment chasser et se nourrir.
Une collaboration particulièrement impressionnante a lieu à proximité du Cap Occidental d’Afrique du Sud. Des oiseaux marins, les fous du Cap, se rassemblent par centaines au-dessus de l’eau en surplomb de grands bancs de sardines. Mais ils ne parviennent à les repérer qu’avec l’aide des dauphins qui chassent dans cette zone. Ils ont donc mis au point une stratégie commune. Les dauphins se regroupent et forcent les sardines qui forment un banc très soudé à remonter vers la surface. Les fous du Cap, plongent alors à pic afin de créer des failles dans le bloc des sardines, les dispersant à vive allure. Les dauphins peuvent ainsi se jeter sur les sardines et les fous de Cap les attraper également. Ces deux espèces si différentes ont trouvé une coopération redoutable afin de se nourrir.
Les orques et les baleines à bosse ne sont pas réputées être les meilleures copines. Mais quand elles ont un objectif commun qui est de se nourrir, elles sont capables de mettre de côté leur inimitié. Elles ont élaboré une collaboration pour faire un festin de harengs : les baleines poussent les poissons vers le rivage et les orques les assomment avec leur queue.
La coopération, une loi naturelle
Les différentes formes de coopération que je viens de décrire ne laissent plus aucun doute : la coopération est une loi de la Nature et prédomine dans le vivant. Ces connaissances nous invitent à mieux protéger la biodiversité dont nous faisons partie intégrante.
Elles ne peuvent que nous inspirer pour nous faire évoluer vers plus d’entraide et de coopération, bien plus constructives que la compétition…
Nous-mêmes sommes faits pour coopérer. « Tous les humains sont paramétrés de manière innée pour l’entraide et la coopération. Pour ce faire, ils naissent avec un fort capital d’empathie et leur cerveau est façonné pour communiquer en société. Ce n’est qu’en grandissant que l’enfant s’éloigne parfois de ces compétences ». (2) Dans son ouvrage « Les lois naturelles de l’enfant » Céline Alvarez relate son expérience dans une classe maternelle pendant 3 ans avec de nombreux exemples d’empathie et de coopération des tous petits. Elle a été suivie par des chercheurs en neurosciences durant cette période.
Cela vous a-t-il aidé à élargir votre vision de la Nature ? Merci de partager vos impressions dans les commentaires
(1) (2) Livre « La stratégie du poulpe » Emmanuelle Joseph-Dailly – Editions Eyrolles